
Fondation Yves-Bernard-Émile
LA SEMENCE
Le péché : un morceau de poulet
Le péché, c’est comme ce morceau de poulet qu’on enlève de l’assiette de quelqu’un après le lui avoir proposé. Ce faisant, on n’apaise pas sa faim et on l’expose même à la honte devant témoin.
Ce faisant, on trouve qu’il a trop dans son assiette alors qu’il est au terme d’une journée de travail et qu’il a besoin d’assez de nourriture pour se rassasier. Mais, ce morceau de poulet qu’on enlève de l’assiette, on n’en avait pas vraiment besoin. Le prétexte était de partager avec quelqu’un alors que l’autre avait une part de réservé. On voulait peut-être se constituer un repas le lendemain, question d’économiser un peu…Quelle mesquinerie !!!!
Où sont alors nos belles idées sur le partage, sur la solidarité, sur notre obligation de nourrir les autres, surtout si ce sont nos proches? On voit bien que le péché aveugle l’homme et le rend insatiable.
Comment peut-on commettre de telles bassesses qui, étendues à d’autres contextes, pourraient mettre la vie des autres en danger ainsi que leur intégrité et leur estime de soi?
La cupidité, l’avidité, la concupiscence, la gourmandise : autant de penchants mauvais qui altèrent le cœur et empêchent d’évoluer dans des sphères spirituelles plus élevées. La peur du manque, la velléité de prendre soin du lendemain sont à l’encontre de ce que le Seigneur : ‘’ Ne vous inquiétez donc pas du lendemain; car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.’’ Mt 6, 34. Surtout si l’on prive nos proches de ce qu’ils ont le droit d’attendre de notre part. ‘’Donnez-leur vous-mêmes à manger’’(Lc 9, 13), disait Jésus, alors que nous faisons le contraire : nous leur enlevons le pain à la bouche.
Voilà où va le monde. Du plus petit au plus grand, nous sommes avides et cupides. Nous luttons tous pour avoir les poches et le ventre remplis et nous assurons de les maintenir remplis, même si les autres devront en pâtir.
Nous, nous avons une chance. L’Esprit nous a convaincus de péché et nous avons honte de nous-mêmes. Nous nous demandons comment réparer le mal fait aux autres.
Certains acceptent de se boucher les oreilles et les yeux et de ne rien ressentir ni regret, ni repentance, ni culpabilité, ni peine. Ils refusent de voir leur misère, leur mesquinerie. C’est peut-être une question de temps, on doit leur concevoir qu’il faut un certain cheminement pour arriver à accepter son cœur comme il est et qu’il ne peut pas changer par nos propres forces. Il n’y a que Dieu qui puisse passer dans nos vies et nous consoler d’avoir péché en même temps que de nous aider à prendre de meilleures dispositions pour l’avenir.
C’est cela, accepter le salut. Accepter que l’on se soit trompé, volontairement ou involontairement, inconsciemment ou consciemment, pour des buts avoués ou obscurs… C’est cela, accepter de ne pas perdre la vie éternelle qui nous est gratuitement donnée. C’est cela, promettre de ne plus recommencer, de continuer à nourrir de toutes les manières possibles, à donner la vie et aussi à ne pas avoir peur de perdre sa vie, car c’est la seule façon de la gagner. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais celui qui la perdra à cause de moi la trouvera (Mt 16 25).
Yvrose Lubérisse
Juin 2017